Depuis la nuit des temps, le Monténégro a été le carrefour de civilisations qui se sont croisées, mélangées et parfois opposées. Les premières traces de présence humaine remontent au Paléolithique. Une succession de peuples s'établirent sur cette partie des Balkans: Illyriens, Romains, Slaves, Vénitiens et Ottomans. Le Monténégro fut même pendant la romanisation un refuge pour des petits groupes apatrides ou pour certaines tribus qui s'opposaient à l'Empire. Le manque de ressources minérales ainsi que l'extrême rudesse du relief les protégeaient contre les légions romaines.

L'Histoire tourmentée du Monténégro a façonné les composantes de la population, de la culture et de la langue, parfois de manière surprenante: d'après l'analyse de 800 toponymes monténégrins, le docteur Vojislav Nikcevic avance l'idée qu'il y eut une occupation germanique dans la région! Ce groupe serait originaire de Polablje, localité entre la Mer Baltique et l'actuelle ville de Hanovre en Allemagne ce qui prouverait que non seulement le noyau ethnique monténégrin ne serait pas serbe mais germanique mais aussi que la langue parlée au Monténégro n'a aucun rapport avec la langue serbe. Progressivement, M. Nikcevic a été démasqué comme un membre actif des groupes de pression croates catholiques qui militent de manière partiale pour la négation de la serbité des Monténégrins.

Slaves du sud

La plupart des populations de l'espace ex-yougoslave sont d'origine slave. Les tribus slaves ont envahi la région du VIe au VIIe siècle ap. J.-C. en refoulant progressivement les Illyriens. Quoique les Slaves ont acculturé un large nombre d'Illyriens, certains ont préservé leur langage et coutumes distinctifs dans des régions montagneuses qui se trouvent actuellement en Albanie.

Les clivages que l'ont peut remarquer entre les "Slaves du Sud" s'expliquent par la partition, au IVe siècle de notre ère, de l'établissement de la "ligne de Théodose" qui divisait l'Empire romain d'Orient de celui de l'Occident. La chrétienté européenne sera basée sur cette division: les missionnaires de Rome convertiront l'Ouest (Slovènes et Croates) au Catholicisme, les missionnaires Cyrille et Méthode venant de Constantinople convertiront les ancêtres des Serbes, des Monténégrins, des Macédoniens à l'Orthodoxie. Voir la section "Histoire".

Parler de différences entre Serbes (Serbes des Plaines dans l'actuelle Serbie) et Monténégrins (Serbes des Montagnes) est toujours matière à controverse. S'ils sont tous orthodoxes en majorité, les deux "peuples" (il faudrait plutôt parler de groupes territoriaux) ont été quelque peu isolés pendant des siècles en raison de l'occupation ottomane. Par leurs diverses tentatives infructueuses d'envahir le Monténégro (du moins la région autour de Cetinje, la capitale historique), les Ottomans ont indirectement créé une zone tampon entre le Monténégro et la Serbie qui limitait les échanges entre les frères slaves. De petites différences se sont alors creusées bien qu'ils aient conservé leur base slave: langue, alphabet cyrillique, religion,... A la vue de ces points communs, la plupart des Serbes de Serbie considèrent les Monténégrins comme des "Serbes des montagnes"; et une grande partie des Monténégrins revendiquent encore aujourd'hui leur "serbitude". Néanmoins, ces siècles de séparation ont forgé une identité monténégrine indéniable avec ses coutumes et institutions. Par exemple, pendant des siècles, les Monténégrins se réfèraient à leur propre "Eglise Orthodoxe du Monténégro". Ce n'était pas une Eglise autocéphale en ce sens qu'elle était toujours un diocèse de l'Eglise Orthodoxe Serbe. En 1920, l'Orthodoxie monténégrine fut réunifiée avec sa collègue serbe. Aujourd'hui, les Monténégrins les plus nationalistes réclament le rétablissement officiel de l'institution monténégrine qu'ils appellent "Eglise Orthodoxe du Monténégro" et fustigent "la volonté manifeste de l'Eglise Orthodoxe Serbe de gérer, de manière exclusive, la spiritualité monténégrine orthodoxe". Cette très récente "Eglise Orthodoxe du Monténégro" apparaît de plus en plus comme un groupuscule politique qui n'a d'"Eglise" que le nom et qui essaye d'éradiquer la zone d'influence serbe à Cetinje, le bastion nationaliste. Voir plus détails infra dans la partie "Religions".

Les influences successives sur le littoral monténégrin se reflètent dans les vêtements traditionnels.

Lors des recensements ces dernières années, une fluctuation des identitiés nationales est apparue: le nombre de Monténégrins qui revendiquent leur particularisme "Serbe mais en plus Monténégrin" a baissé puis remonté notamment en raison de la politique de Slobodan Milosevic en Serbie. Grosso modo, plus la Serbie est montrée d'un doigt accusateur par le reste du monde, plus les Monténégrins veulent s'en distancer car ils ne veulent pas également supporter le fardeau de l'embargo. Ce serait du moins le raisonnement logique mais les choses ne sont pas aussi simples: jusqu'en 1999, de nombreux Monténégrins étaient solidaires de leurs frères serbes dans leur combat pour la reconnaissance d'un Kosovo serbe et pour la défense de la Serbité dans les Balkans. Mais la propagande du gouvernement en faveur de l'indépendance s'accompagne de vastes campagnes nationalistes pour forcer les Monténégrins a se distancer de la culture serbe et revendiquer une identité nationale monténégrine inédite jusqu'à ces dernières années.

Les plus larges minorités non-slaves sont:

- musulmanes, principalement concentrées dans le Nord et
- albanaises à l'Est du Monténégro et sur la partie septentrionnale du littoral à la frontière avec l'Albanie.

Il faut rappeler que la nationalité musulmane est toujours en vigueur. Cette reconnaissance d'une religion comme nationalité date de l'époque du Maréchal Tito, pour reconnaître les droits des Slaves islamisés.

Depuis le début du siècle, la population monténégrine a doublée: de 311.341 habitants en 1921 elle compte aujourd'hui 620.000 habitants. Dès 1948, le développement économique de la République provoque une émigration de la campagne vers les villes. Si le secteur primaire représentait 60% de la population en 1948, il n'est plus que de 7% à l'aube de ce nouveau millénaire.

Les composantes de la société monténégrine

Monténégrins (381.000): 61,7 %
Musulmans (89.000): 14,5 %
Serbes (57.000): 9,3 %
Albanais (49.000): 8 %
Autres: 6,5 %

En Serbie vivraient environ 1.300.000 personnes qui proclament une descendance monténégrine parmi lesquelles 100.000 se déclarent de "nationalité" monténégrine.

Les conflits dans les autres républiques de l'ex-Yougoslavie ont provoqué un afflux de réfugiés au Monténégro dont le taux atteignait, en 1999, dix pour cent de la population. Région d'accueil comme lors de l'Empire romain, le Monténégro se doit de promouvoir les relations interethniques ainsi que d'assurer les droits de toutes les personnes, sans regard sur leur origine nationale ou ethnique. Une section spéciale a d'ailleurs été ajoutée, à cet effet, dans la Constitution monténégrine. C'est ainsi que les Musulmans et les Albanais sont complètement intégrés dans la vie politique, économique ou culturelle. Sept parlementaires, des membres de l'Exécutif (le vice-Premier ministre ainsi que le Ministre de la Fonction publique) sont ainsi de foi musulmane. Probablement en raison de la reconnaissance d'une identité albanaise au Kosovo suite à la crise kosovare de 1999, le Conseil des Albanais du Monténégro a demandé un statut spécial pour les Albanais dans la république. Ce qui a été refusé. C'est comme si les Bretons demandait un statut spécial en France...





Si le serbe est la langue officielle du pays, on remarque cependant des différences significatives entre le parlé d'un Serbe de Serbie et celui d'un Monténégrin: le Serbe de Serbie utilise le dialecte ékavien et appelera son grand-père "ded", le Monténégrin parlera en jékavien et prononcera "djed". Le jékavien est typique le long du littoral adriatique (Monténégro, Dalmatie, Croatie,...) et dans les parties centrales de l'espace des Slaves du sud (Bosnie, Nord de la Croatie) ou habitent également donc des Serbes. On pourrait ouvrir une parenthèse en précisant que beaucoup de Serbes de ces régions parlent en jékavien mais la différence est surtout marquée entre les Monténégrins et les Serbes de Serbie.

A cette différence de prononciation on notera également un accent différent mais les utilisateurs de ces deux variantes du serbo-croate se comprennent sans difficulté. Dans les municipalités où la majorité — ou un nombre substanciel de la population — constitue une minorité nationale ou un groupe ethnique, leurs langue et alphabet respectifs sont d'usage officiel.

A l'instar de la Serbie, les alphabets cyrillique et latin sont considérés comme égaux. Mais le cyrillique, utilisé exclusivement pendant des siècles, commence à perdre des adeptes. Il suffit d'observer la devanture d'une librairie, les publications rédigées avec des caractères latins sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses au Monténégro qu'en Serbie. L'influence de l'Italie est aussi indéniable et la langue italienne y trouve nombre d'adeptes.

Une langue monténégrine ?

La majorité de la population du Monténégro partage le sentiment de parler la même langue qu'un Serbe, un Croate ou un Bosniaque (avec, il est vrai, des variantes idiomatiques). La démonstration de ce fait est simple: il suffit de comparer le système phonologique des variantes pour constater qu'elles sont similaires.

Pourtant, un nombre croissant d'opposants à cette théorie insiste sur le fait que c'est bien le même système qui est utilisé mais pas la même langue. Ces scientifiques (tel V. Nikcevic, voir supra) affirment que les différentes langues de l'ex-Yougoslavie sont socio-linguistiquement, étimologiquement et culturellement différentes. La langue ne serait donc pas exclusivement définie par son système ou phonèmes (lettres) mais aussi par toute son histoire (évolution de langue, expressions, mélanges en raison de la multi-ethnicité,...). Réduire la langue à un simple système signifie l'exclusion de tous les autres déterminants qui marquent et différencient les langues des Slaves du Sud. C'est ainsi que certains ont pu déclarer que la langue monténégrine existe bien et constitue une entité séparée du serbe. Le monténégrin possèderait, toujours selon Nikcevic, ses propres formes, fonctions, histoire, typologie et classification qui en ferait une langue possédant des caractèristiques uniques. Le Monténégrin, composé de 33 lettres, existerait depuis le XIXe siècle. Il n'empêche, peu de gens au Monténégro vous diront qu'ils parlent le monténégrin comme une langue aboutie et codifiée. Ils soulignent uniquement une spécificité à la région mais ne font aucune revendication. Au contraire des mouvements indépendantistes qui ne parlent que le "monténégrin". Mais sur quelle base scientifique?

Promulgation de la loi sur l'enseignement par le Roi Nicolas Ier (Cliquez pour agrandir).

La Constitution du Monténégro est claire: il n'existe aucun intérêt scientifique ou politique de nommer la langue monténégrine par son propre nom. De plus, de nombreux documents (littérature, ouvrage scientifique,...) attestent de l'usage massif d'une langue dite "serbe". Au Monténégro, les défenseurs d'une langue monténégrine agissent essentiellement donc pour des raisons politiques.





La plupart des habitants du Monténégro sont chrétiens mais il y a aussi une importante minorité musulmane (15%). La majorité des Chrétiens sont Orthodoxes mais on trouve également une présence catholique notable. On note également de petites minorités de Protestants et de Juifs.

Belobog fait place à Jésus

Le paganisme a été la première religion du pays. Lorsque les Slaves envahirent la région, ils emmenèrent leurs croyances polythéistes en des dieux d'origine indo-européenne. On peut même remarquer une filiation plus lointaine avec la déesse de la mort et de la fertilité. Le dieu "blanc", au doux nom de Belobog, était seigneur du temps et avait la particularité de lutter contre la mort et les ténèbres. Son collègue Pirun, dieu du tonnerre, était populaire pour sa soif de justice. La conception du monde pour les Slaves est imaginée par des dichotomies proche du Zoroastrisme: jour et nuit, lumière et ténèbres.

Pourtant, les Slaves abandonnèrent leur religion au profit de celle des autochtones, principalement Chrétiens. Les opinions divergent sur l'exacte nomination des fervents du Christ à cette époque: étaient-ils Catholiques romains? La conversion des Slaves se situe entre VI et le VIIe siècle alors que le schisme chrétien date de 1054. Il est donc impossible pour certains historiens d'appeler "Catholique" les Slaves, mais ils devraient simplement être décrits comme "Chrétiens".

Le sceau de Petar qui prouve que les Monténégrins de la première heure vivaient dans un Royaume chrétien avant les autres groupes slaves de l'espace ex-yougoslave.

Depuis la découverte du cachet de Petar, on sait que la Dioclée était dirigée par un prince chrétien. Cela implique que les Diocléens étaient christianisés avant la mission d'évangélisation de Cyrille et Méthode (deuxième partie du IXe siècle). Cette période fut aussi caractérisée par la diffusion de la culture et de la littérature latine. Néanmoins, cette région est marquée par la rivalité entre les deux courants chrétiens qui ne désemplirent pas durant des siècles.

Dioclée fut dirigée par des princes jusqu'en 1077, lorsque le pape Grégoire VII envoya les insignes de roi à Mihailo et Clément III instaura l'archevêché de Bar avec ses dépendances et tous les monastères grecs, slaves et dalmate catholique.

L'Orthodoxie par la force

Entre 1183 et 1186, le seigneur de Rascie, (l'ancienne Serbie), Stéphane Nemanja conquit Zeta (le territoire de l'actuel Monténégro) avec l'aide de vassaux locaux. Nemanja mis tout son zèle à convertir la population à l'Orthodoxie, détruisant églises, brûlant les livres et œuvres latines. Il persécuta également les Bogomiles, expulsa les Grecs et mis fin à l'Archidiocèse de Bar. Son fils Vukan, plus conciliant, se convertit au Catholicisme et restaura la pouvoir de Bar pour plaire aux seigneurs locaux. Son fils Stefan construira le célèbre monastère de la Moraca.

Entre 1276 et 1309, la reine Hélène d'Anjou œuvra pour l'autonomie de Zeta et restaura 50 monastères détruits par la fureur de Nemanja. Pourtant, c'est son fils Balsa III qui instaura officiellement l'Orthodoxie comme religion d'Etat. Les catholiques étant toutefois tolérés...

Au même moment, Zeta vit avec désarroi les Ottomans conquérir les Balkans (Serbie en 1463, Bosnie en 1467 et Herzégovine en 1483). Pour prévenir l'Etat contre les attaques turcs, Ivan Crnojevic déménagea sa capitale de Zabljak vers Dolac près du mont Lovcen. Il y construisit un monastère orthodoxe autour duquel naquit la ville de Cetinje. Malgré avoir été brûlé (1692) et détruit plusieurs fois, le monastère est encore aujourd'hui le symbole de la résistance face aux Ottomans et autres envahisseurs. Il est également la conscience de l'identité culturelle, religieuse et littéraire des Monténégrins. Le monastère à été déplacé après son incendie de 1692 à Cipur (à l'extrémité de Cetinje) mais il n'a pas perdu sa beauté et son statut de symbole jusqu'à aujourd'hui.


Danilo Petrovic était un grand homme mais il a aussi écrit la page la plus sombre pour la conscience monténégrine: la chasse aux musulmans.

Le jour de la Noël 1709, Danilo Petrovic organisa l'exécution de convertis à l'Islam: "les vêpres monténégrines", sorte de Saint-Barthélemy balkanique, eurent lieu dans chaque tribu, chargées de "nettoyer le malin de son propre troupeau"...

Les "vêpres monténégrines" reste une parenthèse sanglante de la coexistence pacifique et harmonieuse de toutes les fois au Monténégro. Se trouvant au carrefour des religions balkaniques, ce pays représente un amalgame unique de religion, rendant la ligne de séparation entre l'est et l'ouest difficilement distinguable...

L'Orthodoxie monténégrine

L’Eglise Orthodoxe Monténégrine est une composante essentielle de l’histoire du pays car elle fut longtemps autonome mais n'a jamais été autocéphale comme le prétendent les nationalistes indépendantistes. Aucun document, aucun acte, aucun certificat, aucune inscription,... ne prouve que l'Église monténégrine a été canoniquement proclamée autocéphale ni n'a canoniquement agit en tant que tel.

Lorsque les Ottomans supprimèrent le Patriarcat de Pec en 1766, tous les évêchés dépendants, dont celui du Monténégro, s'organisèrent pour s'autoadministrer mais n'en profitèrent pas pour proclamer chacune leur autocéphalie; ce qui aurait été anticanonique. Les Serbes vivant en Dalmatie, en Bosnie, dans les krajinas et en Hongrie firent de même. Les indépendantistes jouent sur les mots "autonomie" - "autocéphale" en brouillant les pistes. Le fait qu'il y ait un fort particularisme monténégrin donne aussi l'impression que l'Église s'était complètement distancée des autorités religueuses serbes. Mais c'est faux.

Au début du XXe siècle, la Serbie se libère complètement du joug ottoman mais cinq églises serbes autonomes de facto restent éparpillées dans les Balkans. Les Monténégrins ont toujours rêvé de s'unir avec tous leurs frères serbes du Nord, c'était l'occasion où jamais. Ces cinq entités vont volontairement se réunir le 16 décembre 1918, date à laquelle le Saint Synode du Métropolitanat du Monténégro proclame l'union avec l'Église serbe. Un an et demi plus tard, le 17 juin 1920, le régent Alexandre signe le décret qui officialise l'acte d'union de toutes les Églises orthodoxes dans le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. Cet acte est aujourd'hui mensongèrement présenté par les nationalistes révisionnistes comme la "suppression de l'autocéphalie" mais pour qu'il y ait suppression de l'autocéphalie, il faut qu'elle ait auparavant existée. Et ce n'est pas le cas.

Le vladikat: l'Orthodoxie monténégrine à son apogée

L'Orthodoxie monténégrine et ses dirigeants ont été, à travers les siècles, une force qui a uni et modelé la société monténégrine, en intégrant à la fois la conscience religieuse et séculaire. Incarnant la plus haute autorité, le pouvoir de coercition de l'Eglise prenait forme par des sanctions coutumières, religieuses et morales. L'utilisation de celles-ci ont grandement contribué à préserver l'équilibre interne de la société monténégrine, particulièrement lorsque le pays fut menacé par des forces étrangères. L'Eglise fut longtemps l'étendard de l'indépendance monténégrine et de la lutte pour la liberté face aux Ottomans. La compréhension philosophique et religieuse, où la libération et la liberté sont au-dessus de toutes les lois, où l’individu et la société sont inconditionnellement liés, où un haut degré de moralité sert de référence, est condensé dans la notion de vladikat. Celui-ci rappelle la lutte impliquant l'individu et la société qui a donné naissance à un système sociopolitique unique. Un haut degré de moralité, une habilité à gouverner et une dévotion à servir les intérêts de la mère patrie ont donné aux vladikas le pouvoir d'avoir le dernier mot sur tout. Lorsque le vladika ne possédait aucun appareil de coercition, il utilisait le mécanisme de malédiction et d'anathème pour rendre ces mesures effectives...

Certains historiens ont noté que le pouvoir des vladikas était sans limite mais comme le faisait remarquer le conseiller russe du Palais, Alexandre Rojc: celui-ci peut-être appelé illimité, mais ce pouvoir était fondé naturellement sur la grâce et la confiance sans fin. Le peuple exprimait d'ailleurs de profonde tristesse et des pleurs sincères quand le vladika mourrait.

L'Eglise monténégrine se distingue par sa non-différencation entre la foi et la laïcité. Ainsi au Monténégro, une même personne dirigait l'Eglise et l'État. Le vladika ne pouvait être, selon les mots de Petar Ier, qu'un Monténégrin exemplaire, né au Monténégro d'une des meilleures familles monténégrines. C'est pour cette raison que le Métropolite de Cetinje fut le seul patriarche des Balkans où un étranger ne pouvait régner.

Durant le Vladikat, l'Église monténégrine, et en particulier le Métropolite de Cetinje, fut le plus grand propriétaire du pays. Ces possessions s'élargirent de plus belle sous l'effet des dons, d'héritages, d'achats et de testaments (les familles sans héritiers mâles devaient céder leur terre à l'Eglise). Celle-ci administra ces terres de façon efficace, louant ces domaines aux particuliers lorsque la main-d'œuvre monacale faisait défaut. Usant de ses privilèges pour élargir ses propriétés, le Métropolitant de Cetinje devient vite riche: lors des années fastes, les monastères s'enrichirent et les réserves étaient pleines. Mais en période de disettes, ces dernières furent utilisées pour sauver une partie de la population de la famine.

La discorde du mont Lovcen

L'affront communiste dans toute sa splendeur: la petite chapelle que Njegos s'était fait construire sur le sommet du mont Lovcen, détruite pour faire place, en 1972, à un mausolée lugubre. Certains l'appelent avec mépris la "boîte à chaussures"...

Dans le plus pur style assyrien ou, plus proche de chez nous, selon l'art officiel néo-classique cher aux régimes autoritaires, deux Monténégrines gardent l'entrée. La statue réalisée par le sculpteur croate Ivan Mestrovic dans du granite noir de Zabljak est, il faut l'avouer, belle et forte: Njegos assis pense avec un livre sur ses genoux. Derrière lui, l'aigle symbole du Monténégro. Mais ce mausolée est le symbole de la politique antiserbe pratiquée au Monténégro depuis 1945 par des lobbies croates catholiques.

Les communistes ne supportant plus qu'un lieu de culte symbolisant la grandeur de la nation serbe trône au-dessus de Cetinje, ils décidèrent de détruire la chapelle que s'était fait construire Njegos en l'honneur de son oncle Pierre Ier et de la remplacer par un mausolée très laïque. Le 27 avril 1970, le Métropolitanat du Monténégro et de la Côte - la branche monténégrine de l’Église serbe - introduit un recours contre le gouvernement communiste et contre la municipalité de Cetinje en affirmant que cette opération est inconstitutionnelle. Le Métropolitanat fut débouté, la chapelle détruite et le mausolée, austère et policé, finalement construit en 1972. L'Eglise Orthodoxe Serbe ainsi qu'un très grand nombre de Monténégrins ne supportent toujours pas aujourd'hui qu'un tel symbole de grandeur ait été détruit. Page retraçant la destinée funeste de la chapelle de Njegos.

Naissance d'une Église orthodoxe dissidente

L'éclatement du bloc communiste en Europe de l'Est coïncide avec l'apparition d'une Église Orthodoxe Monténégrine qui sert surtout d'outil politique aux indépendantistes. De nombreux villages autour de Cetinje sont en train de repasser sous l'autorité de ce nouveau mouvement qualifié d'"hérésie" ou de "secte" par le Métropolitanat et par un grand nombre d'Orthodoxes slaves. Ceux-ci insistent sur le fait que les Monténégrins et les Serbes constituent une même ethnie, une même nation, avec une même foi orthodoxe serbe à travers les siècles et donc dans la même Eglise. Les supporters" de l'"Église Orthodoxe Monténégrine" rétorquent qu'ils ne demandent pas une altération du dogme mais une simple reconnaissance nationale caractéristique dans l'Orthodoxie mais leurs actions tend à prouver qu'ils ont des vues bien plus large sur le Monténégro puisque des "commandos" tentent de récupérer les 650 églises et monastères sous la tutelle du Métropolitanat dans le but de se choisir eux-mêmes un Métropolite autochtone et de baptiser leurs enfants comme "Monténégrin". Ce qui d'un point de vue historique et scientifique est inacceptable et ne peut se concevoir que s'il y a une réelle motivation intrinsèque chez les Monténégrins orthodoxes à vouloir se distinguer de l'Église serbe. On est loin du compte puisque la très grande majorité des Monténégrins orthodoxes ne se reconnaît que dans le Métropolitanat et donc dans l'Église Orthodoxe Serbe. Seule une poignée d'églises (28) dans et autour de Cetinje est passée sous la tutelle de l'EOM qui compte aujourd'hui environ 15.000 fidèles.

L'EOM a besoin de références culturelles pour s'afficher et asseoir sa légitimité. Mais ces références sont bien faibles. Il suffit de comparer les sites Internet du Métropolitanat et de l'EOM pour s'en convaincre. Elle n'opère pas seulement une sélection partiale des références historiques et culturelles, elle déforme complètement certains faits qui sont pourtant connus de tous. Un certain nombre de saints présentés sur son site comme des "Monténégrins" pur souche sont soit des Serbes de Serbie ou d'Herzégovine. Ce révisionnisme cache des buts strictement politiques qui sont récupérés, de manière assez opportuniste, par les autorités politiques qui poussent leur dialectique indépendantiste très loin en cette fin d'année 2000, à la veille du référendum sur le statut d'État.

La dislocation de la Yougoslavie accentua la montée de l'EOM. Il faut avant tout préciser plusieurs choses...

L'"Église Orthodoxe Monténégrine" s'est ainsi proclamée et c'est une nouveauté. La première fois que ce nom apparaît dans toute l'histoire du Monténégro, c'est dans la bouche d'un haut responsable du parti communiste (laïc) du Monténégro dans les années 1970. C'est une période noire pour le Monténégro puisque à cette époque, les rouges avaient déjà détruit la chapelle de Njegos, symbole de la serbité du Monténégro. Les communistes avaient pour politique de réduire la sphère culturelle serbe tant du point de vue de la nationalité que de la culture et de la spiritualité. Le but ultime: déserbiser un pays qui a pendant des siècles et des siècles clamé sa serbité. Avant l'union de toutes les églises serbes en 1919, la spiritualité orthodoxe au Monténégro s'appelait: "Église Orthodoxe au Monténégro" (Pravoslavna Crkva u Crnoj Gori) ou plus officiellement "Métropolitanat du Monténégro". Ce qui n'est pas la même chose car jadis l'orthodoxie monténégrine était serbe, autonome comme les autres églises serbes disloquées en raison de l'occupation ottomane, mais serbe quand même.

La première fois que l'EOM se produit véritablement en public, c'est au début des années 1990 en s'affirmant légitime de la manière la plus anticanonique qui soit. Antonije Abramovic en fut le Métropolite autoproclamé et viola plusieurs lois canoniques pour atteindre ses buts. Il décèda en 1993. L'EOM revendique l'autocéphalie qu'elle n'a jamais eue et que l'Orthodoxie monténégrine n'a jamais eue non plus car pour être autocéphale, une Église doit obtenir le tomos de Constantinople et avant tout, obtenir l'autorisation de la juridiction religieuse où elle se trouve, à savoir l'Église Orthodoxe Serbe. Si aujourd'hui on demande à l'EOM de montrer le tomos qui prouve son autocéphalie accordée par Constantinople, ses dirigeants sont bien embêtés et ne savent pas très bien quoi répondre.

Quand les groupuscules monténégrins (les fameux Verts, 5% de la population) se révoltèrent en 1918 contre l'unification du Monténégro et de la Serbie en prenant les armes, même eux n'ont jamais revendiqué une quelconque spiritualité orthodoxe spécifique. Les Verts furent des Serbes monténégrins qui restèrent fidèles au roi Nikola Ier déchu et voulaient garder un Monténégro indépendant, contre la volonté des 95% restants de la population qui réclamaient cette union tant réclamée pendant des siècles.

Quand les indépendantistes de la diaspora (et certains d'entre eux des descendants des Verts) se sont établis aux Amériques, en Europe et en Australie, jamais ils n'ont pensé à construire des églises spécifiquement "monténégrines" près de chez eux comme l'ont par exemple fait les Serbes, Bulgares, Macédoniens,... aux États-unis. Chaque communauté ethnique organise sa spiritualité et parfois ces communautés se créent leur propre Église avec leur propre chef qui respecte le dogme mais qui ne reçoit aucun ordre de l'Orthodoxie de leur pays d'origine. Se rendant compte de cette faille dans leur stratégie de révisionnisme et de mensonge, les nationalistes révisionnistes ont enregistré pour la toute première fois une "Église Orthodoxe Monténégrine" aux États-Unis en l'an... 2001. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que la première fois que l'EOM s'est officiellement enregistrée au Monténégro comme organisation avec un statut, c'est en 1999 dans un commissariat de police de Cetinje... sachant à l'avance que les forces de l'ordre de la petite ville bastion des indépendantistes les accueilleraient favorablement et que l'inscription dans tout autre organisme de la république serait refusée pour les raisons de légitimité évoquées supra.

À la mort d'Antonije Abramovic en 1993, le faux clergé de l'EOM devait désigner un nouveau chef. Mais lequel? Comment trouver quelqu'un qui pouvait incarner une orthodoxie monténégrine spécifique. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas puisque le clergé orthodoxe au Monténégro est exclusivement serbe et s'il l'est, c'est parce que les Monténégrins orthodoxes sont des Serbes, sinon il en serait différemment. Alors ils ont cherché ailleurs et trouvèrent Miras Dedeic (photo). Dedeic est un Serbe qui était membre du clergé grec. Lorsqu'il officiait en Italie, il serbisait (vantait les mérites d'être Serbe et de la culture et religion orthodoxe serbe) à tout-và et son grand rêve était de devenir membre de l'Église Orthodoxe Serbe. Mais son passé trouble (on lui prête des aventures avec différentes femmes, des vols,...) ne lui a jamais servi. Frustré, il a alors tenté de créer sa propre Église Orthodoxe Serbe en Italie mais le Patriarcat Œcuménique de Constantinople s'émut devant un tel comportement, le défroqua, l'excommunia et le frappa d'anathème comme le montre le document publiéé par le site njegos.net. Quelqu'un le choisit (on ne sait pas très bien qui... drôle d'Église) et donc on peut considérer que Dedeic s'est anticanoniquement autoproclamé Métropolite du Monténégro. L'équipe qui entoure Miras Dedeic est composée de Monténégrins authentiques, je vous le dis ;-) : un Serbe de Smederevo appelé "Zika le voleur", un Serbe de la localité bosniaque de Teslica, un Bulgare qui ne parle pas très bien notre langue alors on lui donne des cours de langue "monténégrine",... Une honte.

Bref, tout ceci prouve que l'EOM n'a rien d'authentique, qu'elle ne peut se déclarer d'aucun véritable héritage religieux et historique, que c'est essentiellement un jouet politique animé par des personnes qui ne sont même pas monténégrines et qui sont payées pour faire l'Église par des groupuscules et organisations politiques comme l'Alliance Libérale (LSCG).

Antonije Abramovic et le
Prince Nicolas Petrovic Njegos

Et lorsqu'on voit comment le Prince Nicolas Petrovic Njegos s'affiche au côté de l'EOM, la supporte et lui reconnaît une légitimité, on plaint le Prince pour sa méconnaissance du pays de ses ancêtres, pour s'être fait embobiner dès son arrivée au Monténégro en 1989 par des organisations indépendantistes et révisionnistes.

Et lorsqu'on voit comment l'hebdomadaire Monitor, via Le Courrier des Balkans, présente cette Église orthodoxe comme si elle était l'immaculée conception et que le Métropolitanat officiel était le diable, on peut se demander qui sont réellement les gens derrière ces médias, qui met tant d'argent pour promouvoir une image fausse, mensongère et antiserbe du Monténégro...

Le Métropolitanat ne reconnaît pas ce mouvement et lui interdit bien sûr d'utiliser les lieux de culte. L'EOM est obligée de célébrer les cérémonies religieuses en plein air. Malgré sa grande popularité à Cetinje, peu de partis monténégrins ont pris position pour l'EOM.

Le Métropolite Amfilohije Radovic

Et encore récemment (décembre 2000), suite à une interpellation au Parlement, le Premier Ministre Filip Vujanovic a rappelé que "le Métropolitanat du Monténégro et du Littoral est canoniquement le représentant légitime de l'Orthodoxie monténégrine. Cependant, selon le principe de la laïcité de l'État, on ne peut empêcher les citoyens de choisir entre l'EOM ou l'Église serbe. Mais le fait que des localités choisissent de ramener leurs bâtiments religieux dans le giron de l'EOM devra être officialisé par voie légale". Le message du Premier Ministre est clair: la seule Orthodoxie reconnue légalement au Monténégro est l'Orthodoxie Serbe (voir le billet d'actualité du 5 janvier 2001).

L’Eglise catholique romane du Monténégro


L'église romane de Saint Triphon dans le cœur de Kotor

L’Archidiocèse de la ville monténégrine de Bar est l’un des plus vieux du pays et a été instauré le 8 janvier 1089 malgré l’opposition de ces rivales de Dubrovnik et Split. Le pape Clément III promulgua une bulle autorisant le prince Bodin à ériger le nouveau statut de la ville. L’archidiocèse, avec à sa tête Petar, dirigea dix diocèses: Dukljanska (Barska), Kotorska, Ulcinjska, Svacka, Skadarska, Drivatska, Pulatska (Pilotska), Raska, Bosanska, Zahmunska, Travunijska et tous les monastères dalmates (catholiques), grecques et slaves (dans les diocèses parlant le slavon de la Rascie orthodoxe).

La présence catholique au Monténégro a été significative à travers les siècles. Il est intéressant de noter que depuis peu, les catholiques du Monténégro se déclarent Croates...

L'Islam au Monténégro

Environ vingt pourcents de la population monténégrine est musulmane. La majorité des Slaves professant l'Islam vivent dans la région du Sandzak qui fut partagée entre le Monténégro et la Serbie en 1913. Les Albanais musulmans vivent eux à l'Est dans la région qui borde le Kosovo & Metohija et l'Albanie. Si la majorité des Albanais sont d'obédience sunnite, on rencontre également une secte dervish introduite en 1974 et très populaire.

Le Monténégro favorise les relations interethniques. La Constitution assure que les droits de toutes les personnes, sans égard à leur appartenance, à leur origine ethnique ou nationale, doivent être respectés. Un Conseil de Sauvegarde des Droits des Minorités, sous la tutelle du Président de la République, garantit également les relations interethniques et les droits de toutes les minorités.

Les Musulmans et les Albanais sont complètement intégrés dans la vie politique, économique et culturelle du Monténégro et leurs représentants font partie du gouvernement.